par Nicolas Bonnal
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La facilité avec laquelle s’installe l’horreur techno-mondialiste nécessite un rappel historique. La dictature pseudo-médicale est liée à l’ascension prodigieuse de l’État moderne. De grands penseurs très différents ont dénoncé cet État moderne : Marx, les anarchistes français (génial Proudhon…), Tocqueville. Mais quand on sait sur quoi ont débouché marxisme et libéralisme, on comprendra pourquoi je ne propose jamais de solution. Ma solution c’est Fly you fools dans la caverne de la Moria de Tolkien. C’est d’ailleurs pour cela que j’ai publié plusieurs livres sur Tolkien, et qui tournent autour de cette question : comment les gens libres du monde traditionnel ou les rebelles du monde moderne peuvent-ils échapper à l’horreur du totalitarisme postmoderne occidental ? Le grand traditionaliste Coomaraswamy a écrit :
« …le gouvernement traditionnel de l’Inde est bien moins centralisé et bien moins bureaucratique que n’importe quelle forme de gouvernement connue des démocraties modernes. On pourrait même dire que les castes sont la citadelle d’un gouvernement autonome bien plus réel que ce qu’on pourrait réaliser par le décompte de millions de voix prolétaires. Dans une très large mesure, les diverses castes coïncident avec les corps de métier ».
Correspondant de Guénon, Coomaraswamy est alors proche des derniers grands écrivains catholiques Chesterton ou Bernanos. Son fils chirurgien a d’ailleurs écrit un livre contre Vatican II. Et on voit que le paganisme de l’Église romaine débouche sur son acquiescement au totalitarisme mondialiste sous le pontificat de l’autre. Je recommanderai aussi la lecture du jeune historien Yohann Chapoutot qui établit le lien entre occident et nazisme, cette machine coloniale à organiser pour dépeupler et contrôler.
La France est à la tête du totalitarisme néo dans le monde, et Macron a succédé au prince-président dont a génialement parlé Hugo dans Napoléon le petit. La France a toujours été à l’avant-garde de la tyrannie étatiste. Lisez Taine (le tome cinquième de sa France contemporaine) à ce sujet, l’Ancien Régime de Tocqueville, et même mon livre le Coq hérétique, publié en 1997, qui eut de nombreuses recensions en Angleterre… et en France.
Un qui en a bien parlé c’est Marx dans Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte :
« On se rend compte immédiatement que, dans un pays comme la France, où le pouvoir exécutif dispose d’une armée de fonctionnaires de plus d’un demi-million de personnes et tient, par conséquent, constamment sous sa dépendance la plus absolue une quantité énorme d’intérêts et d’existences, où l’État enserre contrôle, réglemente, surveille et tient en tutelle la société civile, depuis ses manifestations d’existence les plus vastes jusqu’à ses mouvements les plus infimes, de ses modes d’existence les plus généraux jusqu’à la vie privée des individus, où ce corps parasite, grâce à la centralisation la plus extraordinaire, acquiert une omniprésence, une omniscience une plus rapide capacité de mouvement et un ressort, qui n’ont d’analogues que l’état de dépendance absolue, la difformité incohérente du corps social, on comprend donc que, dans un tel pays, l’Assemblée nationale, en perdant le droit de disposer des postes ministériels, perdait également toute influence réelle, si elle ne simplifiait pas en même temps l’administration de l’État, ne réduisait pas le plus possible l’armée des fonctionnaires et ne permettait pas, enfin, à la société civile et à l’opinion publique, de créer leurs propres organes, indépendants du pouvoir gouvernemental ».
Aujourd’hui cette armée de fonctionnaires, encore un peu pseudo-grévistes dans les années 90, se mettent goulument au service de la dictature cléricale et médicale de Macron. Le régime reste bourgeois et Marx explique pourquoi il y a cent-cinquante ans :
« Mais l’intérêt matériel de la bourgeoisie française est précisément lié de façon très intime au maintien de cette machine gouvernementale vaste et compliquée. C’est là qu’elle case sa population superflue et complète sous forme d’appointements ce qu’elle ne peut encaisser sous forme de profits, d’intérêts, de rentes et d’honoraires. D’autre part, son intérêt politique l’obligeait à aggraver de jour en jour la répression, et, par conséquent, à augmenter les moyens et le personnel du pouvoir gouvernemental, tandis qu’en même temps il lui fallait mener une guerre ininterrompue contre l’opinion publique, mutiler et paralyser jalousement les organes moteurs indépendants de la société, là où elle ne réussissait pas à les amputer complètement. C’est ainsi que la bourgeoisie française était obligée, par sa situation de classe, d’une part, d’anéantir les conditions d’existence de tout pouvoir parlementaire et, par conséquent aussi, du sien même, et, d’autre part, de donner une force irrésistible au pouvoir exécutif qui lui était hostile ».
Entre le lumpenprolétariat (la bohème de Marx, racailles d’aujourd’hui, suppôt du pouvoir rose-brun), la population superflue et l’ordre bourgeois, on conçoit que la France est mal partie pour réagir.
Marx ajoute dans le même élan :
« Napoléon acheva de perfectionner ce mécanisme d’État. La monarchie légitime et la monarchie de Juillet ne firent qu’y ajouter une plus grande division du travail, croissant au fur et à mesure que la division du travail, à l’intérieur de la société bourgeoise, créait de nouveaux groupes d’intérêts, et, par conséquent, un nouveau matériel pour l’administration d’État. Chaque intérêt commun fut immédiatement détaché de la société, opposé à elle à titre d’intérêt supérieur, général, enlevé à l’initiative des membres de la société, transformé en objet de l’activité gouvernementale, depuis le pont, la maison d’école et la propriété communale du plus petit hameau jusqu’aux chemins de fer, aux biens nationaux et aux universités. La république parlementaire, enfin, se vit contrainte, dans sa lutte contre la révolution, de renforcer par ses mesures de répression les moyens d’action et la centralisation du pouvoir gouvernemental ».
J’ai déjà cité cette phrase prodigieuse, alors je la répète :
« Toutes les révolutions politiques n’ont fait que perfectionner cette machine, au lieu de la briser. Les partis qui luttèrent à tour de rôle pour le pouvoir considérèrent la conquête de cet immense édifice d’État comme la principale proie du vainqueur ».
Aujourd’hui la machine se met au service du techno-mondialisme, des GAFAM, de l’écologisme malthusien, de Davos.
La suite avec Tocqueville : lui a décrit la triomphe de l’État et de sa bourgeoisie un peu comme Guénon dans Autorité spirituelle et pouvoir temporel. Tocqueville décrit déjà distanciation et isolement, et fin de la patrie :
« Je veux imaginer sous quels traits nouveaux le despotisme pourrait se produire dans le monde : je vois une foule innombrable d’hommes semblables et égaux qui tournent sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs, dont ils emplissent leur âme. Chacun d’eux, retiré à l’écart, est comme étranger à la destinée de tous les autres : ses enfants et ses amis particuliers forment pour lui toute l’espèce humaine ; quant au demeurant de ses concitoyens, il est à côté d’eux, mais il ne les voit pas ; il les touche et ne les sent point ; il n’existe qu’en lui-même et pour lui seul, et s’il lui reste encore une famille, on peut dire du moins qu’il n’a plus de patrie ».
Au-dessus de cette meute, l’État qui n’a pas attendu nos commentateurs télé pour découvrir qu’il faut maintenir les Français dans l’enfance (il faudra un jour comprendre qu’on n’était pas beaucoup plus libres avant le coronavirus) :
« Au-dessus de ceux-là s’élève un pouvoir immense et tutélaire, qui se charge seul d’assurer leur jouissance et de veiller sur leur sort. Il est absolu, détaillé, régulier, prévoyant et doux. Il ressemblerait à la puissance paternelle si, comme elle, il avait pour objet de préparer les hommes à l’âge viril ; mais il ne cherche, au contraire, qu’à les fixer irrévocablement dans l’enfance ; il aime que les citoyens se réjouissent, pourvu qu’ils ne songent qu’à se réjouir. Il travaille volontiers à leur bonheur ; mais il veut en être l’unique agent et le seul arbitre ; il pourvoit à leur sécurité, prévoit et assure leurs besoins, facilite leurs plaisirs, conduit leurs principales affaires, dirige leur industrie, règle leurs successions, divise leurs héritages ; que ne peut-il leur ôter entièrement le trouble de penser et la peine de vivre ? »
On répète car c’est magnifique : que ne peut-il leur ôter entièrement le trouble de penser et la peine de vivre ?
Et bien c’est fait avec le vaccin et la télé et la grande confiscation de l’année prochaine.
Tocqueville ajoute :
« Après avoir pris ainsi tour à tour dans ses puissantes mains chaque individu, et l’avoir pétri à sa guise, le souverain étend ses bras sur la société tout entière ; il en couvre la surface d’un réseau de petites règles compliquées, minutieuses et uniformes, à travers lesquelles les esprits les plus originaux et les âmes les plus vigoureuses ne sauraient se faire jour pour dépasser la foule ; il ne brise pas les volontés, mais il les amollit, les plie et les dirige ; il force rarement d’agir, mais il s’oppose sans cesse à ce qu’on agisse ; il ne détruit point, il empêche de naître ; il ne tyrannise point, il gêne, il comprime, il énerve, il éteint, il hébète, et il réduit enfin chaque nation à n’être plus qu’un troupeau d’animaux timides et industrieux, dont le gouvernement est le berger ».
J’ai déjà parlé de l’hébétude, mot repris par Baudrillard dans sa Guerre de Troie et subtilement commenté par Mgr Gaume : c’est la fin de l’intelligence du baptême et l’abrutissement esclave, celui que vous et moi, rebelles impuissants, constatons autour de nous. Le rebelle découvre alors que lui aussi n’est pas libre sur le terrain…
Tocqueville explique la vraie raison de notre stupide soumission :
« Chaque individu souffre qu’on l’attache, parce qu’il voit que ce n’est pas un homme ni une classe, mais le peuple lui-même, qui tient le bout de la chaîne. Dans ce système, les citoyens sortent un moment de la dépendance pour indiquer leur maître, et y rentrent ».
Ce qui nous arrive était écrit, comme dirait un beau rebelle arabe dans Lawrence d’Arabie, tourné près de chez moi en Andalousie.
Faites attention, l’État mondialiste a toute la technologie pour s’installer, et les « bourreaux volontaires » abondent. Il a son armée de politiciens, de drones, de fonctionnaires et de journalistes hypnotiques, de victimes hébétées.
Bonne année à ceux qui veulent vivre et résister.
Sources :
Nicolas Bonnal – Le coq hérétique (Les Belles Lettres)
Tocqueville – De la Démocratie en Amérique, volume II, part 4, chap VI.
Marx – Le dix-huit Brumaire…
Chapoutot – Libres d’obéir, nazisme et management